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Forum Universitaire                                                                       Jacqueline Maroy                            Année   2016-2017

Textes du séminaire 13                                                                                                                         Le 31 mai 2017

Texte 1 – Kressmann Taylor: Inconnu à cette adresse .Éditions Autrement Littératures

Lettre 6 page 26

Si seulement je pouvais te montrer – non, t’obliger à constater – la renaissance de l’Allemagne sous l’égide de ton vénéré Chef… un si grand peuple ne pouvait pas rester    

éternellement sous le joug du reste du monde. Après la défaite, nous avons plié l’échine pendant quatorze ans. Pendant quatorze ans, nous avons mangé le pain amer de la honte et bu le brouet clair de la pauvreté. Mais maintenant, nous sommes des hommes libres. Nous nous redressons, conscients de notre pouvoir ; nous redressons la tête face aux autres nations. Nous purgeons notre sang de ses éléments impurs. C’est en chantant que nous parcourons nos vallées, nos muscles durs vibrent, impatients de s’atteler à un nouveau labeur ; et nos montagnes résonnent des voix de Wotan et de Thor, les anciens dieux de la race germanique.

Texte 2     Les fabliaux La houssecouverture partie

Douze années passèrent. Le prud'homme devenait si vieux qu'il lui fallait un bâton pour se soutenir. Comme il était à la charge de ses enfants, on le lui faisait cruellement sentir. La dame, qui était fière et orgueilleuse, le dédaignait  fort. Elle le prit si bien à contrecoeur tant en désamour qu'enfin elle ne cessait de répéter à son mari :
- Sire, je vous prie, pour l'amour de moi, donnez congé àfaites partir, chassez votre père. En vérité, je ne veux plus manger, tant que je le saurai ici.
Le mari était faible et craignait beaucoup sa femme. Il en fît donc bientôt à sa volontécomme elle voulait.
- Père, père, dit-il, allez-vous-en. Nous n'avons que faire de vous : allez vous punir ailleurs ! Voilà plus de douze ans que vous mangez de notre pain. Maintenant, allez donc vous loger où bon vous semblera!
Son père l'entend, et pleure amèrementtrsitement. Il maudit le jour qui l'a vu naître.
- Ah ! beau fils, que me dis-tu ? Pour Dieu, ne me laisse point à ta porte. Il ne me faut guère de place. Pas même de feu, de courtepointecouverture, ni de tapis. Mais ne me jette pas hors du logis de la maison : fais-moi mettre sous cet appentis petit toit quelques bottes de paille. Il me reste si peu de temps à vivre !
- Beau père, à quoi bon tant parler ? Partez et faites vite, car ma femme deviendrait folle !
- Beau fils, où veux-tu que j'aille ? Je n'ai pas un sou vaillant.
- Vous irez de par la ville. Elle est, Dieu merci, assez grande, vous trouverez bien quelque ami, qui vous prêtera son logis.
- Un ami, mon fils ! Mais que puis-je attendre espérer des étrangers, quand mon propre enfant m'a chassé ?
- Père, croyez-moi, je n'y peux rien, ici je n'en fais pas toujours à ma volonté. Le vieillard a le cœur meurtri blessé. Tout chancelant tremblant, faible, il se lève et va vers le seuil la porte.
- Fils, dit-il, je te recommande à Dieu. Puisque tu veux que je m'en aille, de grâce, donne-moi quelque couverture, car je ne puis souffrir supporter le froid.
L'autre, tout en maugréantexprimant sa mauvaise humeur, appelle son enfant.
- Que voulez-vous, sire ? dit le, petit.
- Beau fils, va dans l'écurie, tu y prendras la couverture qui est sur mon cheval noir, et l'apporteras à ton grand-père.

L'enfant cherche la couverture, prend la plus grande et la plus neuve, la lieattache en deux par le milieu, et la partage avec son couteau. Puis il apporte la moitié.
- Enfant, lui dit l'aïeulvieillard, tu agis laidementméchamment. Ton père me l'avait donnée toute.
- Va, dit le père à l'enfant, Dieu te châtierapunira. Donne-la tout entière.
- Je ne le ferai point, dit l'enfant. De quoi plus tard seriez-vous payé ? Je vous en garde la moitié, car vous-même de moi n'obtiendrezn'aurez pas davantage. J'en useraiJe ferai avec vous exactement comme vous l'avez fait avec lui. De même qu'il vous a donné tous ses bienstoutes ses richesses, je veux aussi les avoir à mon tour. Si vous le laissez mourir misérabletrès pauvre, ainsipareil ferai-je de vous, si je vis.

Le père hoche la tête en soupirant. Il méditeréfléchit, il rentre en lui-même.
- Sire, dit-il à son père, rebroussez cheminrevenez. Il faut que le diable m'ait poussé, car j'allais commettrefaire un péché mortel . Grâce à Dieu, je me repens je regrette, je vous demande de me pardonner. Je vous fais à tout jamais seigneur et maître en mon hôtelmon logis, ma maison. Si ma femme ne peut le souffrirl'accepter, ailleurs je vous ferai bien servir. Vous aurez toutes vos aises, courtepointecouverture et doux oreiller. Par saint Martin, je vous le dis, je ne boirai de vin ni ne mangerai de bon morceau, que vous n'en ayez de meilleur. Vous aurez une chambre privée, et un bon feu de cheminée. Vous aurez une robe telle quecomme la mienne. À vous je dois fortune et bonheur, beau doux père, et je ne suis riche que de vos biens.

Seigneurs, la leçon est bonne, croyez-m'en. Telcelui qui jadisautrefois s'est dépouillé poura tout perdu pour tout donner son enfant subitest victime de trop souvent le sortla mauvaise situation de ce bourgeois.

Texte 3 : Dernière Gerbe V.Hugo (posthume) Mon Jardin Hauteville - House

 « Dans le gazon qu’au sud abrite un vert rideau,
On voit, des deux côtés d’une humble flaque d’eau
Où nagent des poissons d’or et de chyroprase,
Deux aloès qui font très bien dans une phrase ;
Le bassin luit dans l’herbe, et semble, à ciel ouvert,
Un miroir de cristal bordé de velours vert ;
Un lierre maigre y rate un effet de broussailles ;
Et, bric à brac venu d’Anet ou de Versailles,
Pris à l’antre galant de quelques nymphe Echo,
Un vase en terre cuite, en style rococo,
Dans l’eau qui tremble avec de confuses cadences,
Mire les deux serpents qui lui tiennent lieu d’anses,
Et qui, jadis, voyaient danser dans leur réduit
Les marquises le jour, les dryades la nuit. »

…….

C’est fini. L’on devient bourgeois de l’Hélicon.           
On loue au bord du gouffre un cottage à balcon.
On consent bien, du haut de sa raison morose,
A faire encor des vers, pourvu qu’ils soient en prose.
De là l’épître. Hélas, le poète à vau-l’eau
Est un Orphée éteint qui finit en Boileau.