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Hindouisme et Bouddhisme

Conférence faite au Forum Universitaire de Boulogne-Billancourt
 le mercredi 15 décembre 2004


Cycle " Les textes sacrés"
par Odon Vallet, 
Professeur d’Histoire des Religions à la Sorbonne

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Texte Bouddhique, temple de Ranakpur, statue du Bouddha

Au 6ème siècle avant Jésus-Christ apparaissent en Inde (comme en Grèce) des philosophes matérialistes. On peut les considérer comme une réaction athée, mais avant tout il s’agit d’une réaction anti-cléricale, anti-brahmanique.
A ces matérialistes s’ajoutent des sceptiques, qui font penser d’ailleurs au scepticisme grec de l’École de Piron, menés par un certain Sanjaya Bellatthiputta. Ils disent qu’il est impossible d’avoir une certitude sur l’au-delà. Ils ne sont pas athées, ils sont simplement agnostiques.
De ce bouillonnement intellectuel vont se détacher deux figures-clés qu’il faut étudier ensemble. L’une est celle du Jina, le Vainqueur, réputé fondateur du Jaïnisme et l’autre, celle du Bouddha, réputé fondateur du Bouddhisme.



 LES ÈCRITURES JAÏNES

Le Jina comme le Bouddha sont deux guerriers, deux kshatriyas, qui ne sont pas totalement matérialistes, ni totalement sceptiques, ni franchement spiritualistes, ce qui veut dire que pour le Jaïnisme comme pour le Bouddhisme, on ne peut pas dire que ce sont des religions athées ou des philosophies athées, ni même que ce sont, à l’inverse, des philosophies avec un dieu. Cela se situe dans une position intermédiaire.
Ces deux hommes font des synthèses intellectuelles à destination de tous leurs auditeurs quelle que soit leur caste. Et c’est cela la vraie révolution sociale : ils s’adressent à tous les Indiens, leur disant qu’il y a une Loi, une Règle, un Dharma universel alors que, jusque là, il n’y avait que des Dharmas (des devoirs) de castes.
C’est une révolution considérable. Nous verrons tout à l’heure qu’elle va partiellement échouer, mais qu’elle sera reprise 2500 ans plus tard, lorsque, après la création de l’Union Indienne en 1947, un intouchable, rédacteur de cette constitution, le Dr Ambedkar, se convertira au Bouddhisme parce que c’est précisément la religion qui supprime les castes.
Pour les Indiens de l’époque qui sont de religion Védique, le Jina et le Bouddha négligent leurs devoirs d’état, leurs devoirs de caste.

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Mahâvirâ



Le Jina Vainqueur est appelé aussi " Mahâvîra " (le grand héros). C’est le nom qu’on donnera plus tard aussi à Hanuman, le chef de l’Armée des Singes.
Mahâvîra Jina est le fils de Siddhârta (but atteint), qui est le prénom du Bouddha.

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Siddhârta

Siddhârta est chef d’un clan, le clan de Licchavi, c’est-à-dire Bénarès, petite république laïque.


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Bénarès

Ce Jina, ce Vainqueur, est un homme qui a probablement vécu un petit peu avant le Bouddha, peut-être une génération avant et les textes bouddhiques font référence au Jina. 

Il est le 24ème Tirthankara, c’est-à-dire " passeur de gué ", chargé de faire passer les hommes d’une rive à l’autre de l’existence. 

 

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Tirthankara



Cela fait d’ailleurs penser à une phrase de Jésus : " Passons sur l’autre rive du Lac de Tibériade ", c’est aussi de la rive de la Vie à celle de la Mort.

Jina est vainqueur, vainqueurs des passions. Il mène un combat contre les passions humaines. Il quitte son palais, comme le Bouddha d’ailleurs, pour douze années d’ascèse. Le Bouddha fera seulement six années d’ascèse, mais le Bouddhisme a toujours été plus modéré dans l’ascèse que le Jaïnisme.
Il va trouver la Connaissance, l’illumination parfaite, sous un arbre, un arbre Ashoka, alors que le Bouddha trouvera cette illumination sous un arbre pipal, le célèbre " ficus religiosa ", puisque les noms d’arbres sont féminins en latin.

Jina, comme Bouddha, trouveront protection parmi les rois, et notamment un roi célèbre, Bimbisara, qui est roi du petit royaume du Magadha, au nord-est de l’Inde, qui sera un disciple du Bouddha, mais sa femme sera disciple du Jina.

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Bimbisara

Très souvent, à l’époque, les monarques avaient l’habitude d’adhérer à la foi d’un leader religieux, mais de dire aux membres de leur famille : " Suivez plutôt tel ou tel religieux, tel ou tel philosophe ", ce qui permettait à chaque famille royale d’avoir un pied dans chaque camp spirituel.

Le Jaïnisme, tel qu’il est prêché par ce 24ème passeur de gué, sera une réaction contre les Brahmanes qui donnera un très grand rôle aux laïcs, mais aussi, parfois, aux moines. Plus de prêtres, plus de sacrifices, mais des laïcs qui mènent une vie ascétique, et dont le mode d’existence même en fait des moines en puissance.
D’ailleurs, les laïcs jaïns sont très nombreux à se rendre en pèlerinage dans des lieux saints qui existent encore en Inde, et qui sont, en général, couronnés par de merveilleux temples tout en marbre blanc comme ceux de Ranakpur ou du Mont Abu.

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Temple de Ranakpur et temple du Mont Abu 



Le Jina va prêcher. Il ne va, bien entendu, rien écrire puisqu’à l’époque, probablement, l’écriture n’existait pas en Inde. Et pourtant, le Jaïnisme va, ultérieurement, développer une immense littérature profane ou religieuse dans toutes les langues indiennes, notamment des contes très célèbres en Inde et qui sont des sortes de fables avec, presque toujours, une leçon morale.

Les écritures sacrées jaïns sont mal connues. A l’origine, il est assez probable que les Jaïns ont eu une espèce d’osmose avec des philosophes athées, des Ajivakas, qui ne croyaient ni à la réincarnation, ni à la rétribution des mérites. Comme ils étaient alliés dans la lutte contre les Brahmanes, ils ont produit ensemble un certain nombre de réflexions.
On peut penser d’ailleurs, plus récemment chez nous, à certaines alliances entre des marxistes athées et des chrétiens de gauche qui ont développé une philosophie commune et, parfois des textes communs.
Les Jaïns et les Ajivakas vont développer une réflexion contre les castes puis, progressivement, ils se sont séparés.

Les Jaïns ont commencé par écrire, progressivement, au cours des siècles, des livres qu’on appelle les " Purva ", ce qui veut dire " précédents, premiers ". Ce sont les textes primitifs du Bouddhisme qui ont été perdus, puis ont été, de mémoire, remis par écrit dans un concile tenu à Pataliputra et qui a abouti à la rédaction d’une première forme de canon jaïn.
Ces textes ont de nouveau été en partie reperdus, et ils ont été réécrits une deuxième fois, avec une forme un peu différente qu’on appelle les " Anga ". A la suite de cette réécriture, il y a eu un certain nombre de schismes car il est évident que la doctrine initiale du Jina a été, selon certains Jaïns, en partie soit perdue, soit altérée.

Á ce moment-là, les Jaïns se sont séparés en deux branches.

La branche des Digambara, " vêtus de ciel ", c’est-à-dire nus, qui estimait, et qui estime toujours, que la nudité pour l’homme, pas pour la femme, est une vertu ascétique. Les femmes n’ont pas besoin d’être nues car, de toute façon, elles n’obtiendront pas le Nirvâna. Il faudra d’abord qu’elles renaissent " homme ", donc elles ont le droit d’être habillées.

La branche des Svetambara, " vêtus de blanc " croit, à l’inverse, que les femmes peuvent obtenir le Nirvâna. Ceci explique que le Jaïnisme soit, avec le Catholicisme, la seule religion où il y ait plus de religieuses que de religieux.

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Digambara et Svetambara

Dans cette vie des Jaïns, l’ascèse joue un grand rôle, et surtout l’Ahimsa, c’est-à-dire la non-violence, est poussée à l’extrême puisque certains vont jusqu’à porter une espèce de voile devant la bouche pour ne pas manger de moucherons.

 Mais ces Purva, devenus Anga, ces textes sacrés, récapitulent l’essentiel de la doctrine Jaïn dont je vous ferais grâce dans le détail, car il y a une cosmologie extrêmement complexe. Pour résumer, nous dirons que, d’après ces textes, l’essentiel est de dépasser la loi des karmas, puisque l’homme est emprisonné dans ses actes, qui dépendent en partie de ses existences antérieures. Il doit donc se détacher de la vie, des passions, des désirs au maximum, voire, parfois, aller jusqu’à l’inanition. La grève de la faim est une invention des Jaïns, qui sera reprise 2500 ans plus tard par Gandhi. Par ce détachement des actes, des passions, des désirs, le Jaïn pourra accéder à des existences meilleures, voire à la cessation de toute souffrance par le Nirvâna.
Ces textes jaïns sont assez peu traduits dans les langues occidentales, et pour tout dire, les textes sacrés jaïns n’ont jamais eu une très grande audience, comparé aux contes jaïns, dont il existe des traductions en français, et qui ont joué un grand rôle dans la littérature indienne, aussi bien en langue indo-européenne, en bengali, en hindi, que dans les langues dravidiennes comme le Tamoul.


LES ÈCRITURES BOUDDHIQUES

Le Bouddha, comme le Jina, comme Jésus, comme Mohamed, comme Socrate, comme Confucius, comme Lao-Tseu, n’a jamais écrit la moindre ligne. Encore une fois, à son époque, l’écriture n’existait probablement pas, ou du moins elle n’est pas attestée.
Pour comprendre ce que sont devenues les écritures sacrées du Bouddhisme, il faut prendre point par point les trois écoles du Bouddhisme.
Première école, Theravâda ou Hînayâna, c’est-à-dire " doctrine des anciens " ou " petit véhicule ", répandue essentiellement au Sri Lanka, Birmanie, Cambodge, Laos, Thaïlande, extrême sud du Vietnam.
Ces écritures sacrées sont traduites à 100% en anglais, et à peu près à 10% en français. Elles comptent environ 15.000 pages. On les appelle " tipitaka " en pali, ou " tripitaka " en sanscrit, ce qui veut dire " triple corbeille " car, à l’origine, on écrivait sur des feuilles de palmiers qui étaient placées dans trois corbeilles.

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Sri Lanka

Ces textes, dans l’école du Theravâda, ont été écrits à partir, probablement, du 3ème siècle avant Jésus-Christ – ce serait à peu près le début de l’écriture en Inde – jusqu’au 3ème siècle après Jésus-Christ. Ils auraient été écrits dans l’île de Sri Lanka, à presque 3000 kilomètres au sud de l’endroit où le Bouddha a prêché.
C’est un peu comme si les Evangiles avaient été écrits en Irlande au temps de St Patrick.
Manifestement, il y a une grande distance dans le temps et dans le lieu en ce qui concerne la mise par écrit de la doctrine du Bouddha.
Cette triple corbeille est un ensemble de trois recueils.
Le premier recueil est le Vinaya-pitaka, " la corbeille de la discipline ". C’est l’ensemble des règles que doit suivre les moines. 227 préceptes pour les hommes, 311 pour les nonnes, les femmes, car celles-ci sont supposées être plus faibles et avoir besoin de plus de règles.
Il s’agit là de textes sacrés, canoniques. C’est bien différent des règles de discipline monastique chrétienne qui ne font pas partie de la révélation et qui peuvent être modifiées. La règle de St Benoît ou de St Dominique, par exemple, peut être modifiée, ça ne change rien à la doctrine chrétienne.
Là, au contraire, il s’agit de textes absolument sacrés. Ils ne peuvent pas être modifiés. Il est très difficile, aujourd’hui, de concilier ce caractère sacré de la discipline avec la vie moderne. Par exemple, on définit le nombre d’objets que peuvent posséder les moines : la robe monastique, le bol à aumône, etc.. Ce sont très peu d’objets. 
Peut-on vivre encore comme cela ? Répondre par la négative et dire : " il faut réformer la règle ", est pratiquement impossible. Donc, on ferme les yeux sur certains accommodements avec la règle.
Le Vinaya est placé en tête, ce qui monte à quel point, dans ce Bouddhisme primitif, la question monastique est essentielle.
N’oublions pas que le Bouddhisme Theravâda est la religion du monde qui a, et de loin, le plus de moines. Entre 300 et 400.000 moines en Thaïlande et autant en Birmanie, c’est-à-dire autant que de prêtres catholiques dans le monde entier.

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Bouddhisme Theravâda

Le deuxième recueil est le Suta-pitaka en pali, ou le Sutra-pitaka en sanscrit, qui est " la corbeille des discours du Bouddha ". En général, ces discours, ou sermons commencent par la formule : " Ainsi ai-je entendu ", sous-entendu le Bouddha. 
Ce qui rappelle un peu la formule autrefois des Evangiles qu’on disait à la messe : 
" In illo tempore Jésus dixit discipulis suis ".
Ce qui signifie : " En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples ".
Cela qui souligne bien que l’oral a bien précédé l’écrit.
Ces discours sont nombreux. J’en citerai un en particulier.
C’est le Dharma ou Dhammapada, " les stances de la Loi ", c’est-à-dire une sorte de recueil de sagesse qui serait sorti de la bouche du Bouddha, et qui fait parfois penser au recueil de sagesse attribué à Salomon qu’on trouve dans la Bible. Le Dhammapada est probablement le texte le plus célèbre en Occident, et surtout le plus lisible.
Il faut y ajouter les Jataka, c’est-à-dire " les naissances ". Ce sont 547 histoires de naissances du Bouddha dans ses vies antérieures, car le Bouddha est supposé avoir eu un très grand nombre d’existences antérieures en tant qu’animal, homme ou divinité. Ce sont des histoires légendaires, probablement tardives, qui ont dues être ajoutées, après quelques siècles, au canon primitif.
Enfin, troisième recueil, l’Abhidharma-pitaka, "corbeille de la loi supérieure ou des enseignements supérieurs ". Il ne s’agit plus de sermons du Bouddha, mais de commentaires sur la doctrine du Bouddha, de traités métaphysiques sur l’existence, sur l’expérience humaine, sur les phénomènes du monde. Car le Bouddhisme est essentiellement existentialiste et phénoménologue. Il n’y a pas de substance ni d’essence permanentes.

Dans ce Dharma-pitaka, on parle beaucoup des problèmes de causalité. Par exemple, la cause de la souffrance, du mal de vivre, c’est le désir, le karma. On parle beaucoup des problèmes de réalité et d’apparence. Pour le Bouddhisme, le monde n’a pas de réalité ultime. Il est une somme d’apparences momentanées et variables, et donc modifiables selon ce que l’homme désire en faire. Une même réalité peut être source de souffrance ou de non souffrance selon l’attitude que l’homme adopte, par exemple pour un deuil.
Cet Abhidharma-pitaka, qui est relativement complexe, peut faire penser que le Bouddhisme est une philosophie plus qu’une religion. Mais par contre, si l’on regarde la première corbeille, Vinaya-pitaka, et la deuxième, Sutra-pitaka, l’élément philosophique est moins important, l’élément religieux beaucoup plus important.

Deuxième école bouddhique, le Mahayana, " grand véhicule ou grand moyen de progression ", c’est à peu près 100.000 pages, rédigées dans un premier temps en sanscrit, et traduit en chinois semble-t-il à peu près à partir du 2ème siècle après Jésus-Christ. Il s’agit d’un des plus gigantesque travail de traduction effectué au monde, surtout si l’on pense qu’il sera ensuite traduit du chinois au japonais, et que la traduction japonaise ne sera achevée, je crois, qu’au 19ème siècle.

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Bouddha Mahayana

Dans ces écritures du Mahayana, il y a une grande partie de ce qu’il y a dans les écritures du Theravâda, de " la triple corbeille ", mais il y a aussi beaucoup d’autres textes, et l’ordre des livres n’est pas le même.
Par exemple, le Vinaya, " la corbeille de discipline ", n’est plus placée en tête mais au milieu. Cela signifie que la discipline monastique essentielle, primordiale pour le Theravâda, n’a plus tout à fait la même importance pour le Mahayana où les laïcs jouent un rôle plus important grâce aux fameux bodhisattva, ces êtres promis à l’éveil qui aident les laïcs qui ne sont pas tous des saints, bien entendu.

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Bodhisattva

Dans ces écritures sacrées du Mahayana, il y a un certain nombre de commentaires chinois sur les traités primitifs de l’ Abhidharma. Il y aussi des textes divers sur la pensée indienne, sur l’Hindouisme, mais aussi sur d’autres religions comme le Christianisme nestorien, voire sur le Manichéisme.
Ce canon sacré est donc une véritable encyclopédie religieuse. Ce canon chinois est considéré par les Indiens comme extra-canonique. En d’autres termes, on pourrait dire que tout qui est écrit ou presque dans ce Corpus chinois est sacré, alors que le Bouddhisme indien avait une conception un peu plus restrictive de la canonicité.
Dans ces textes du Mahayna, qu’ils soient en sanscrit, en chinois, en japonais, on peut en isoler quelques uns car ils ont joué un rôle très important.
Par exemple, le " Sutra du cœur " - sutra signifie " fil ", donc fil du discours – dont la phrase essentielle est :
" La forme n’est que vide, le vide n’est que forme "
C’est le fameux principe de vacuité connu de tous les moines, et qui est commenté en une quarantaine de pages dans ce " Sutra du cœur ". Il a pour objectif principal de déposséder l’homme de ce qu’il croit essentiel, pour montrer que le monde est une forme de vide à laquelle il ne faut pas trop s’attacher.
En cela, ce Sutra du cœur nous rappelle un un sage de la Bible, le célèbre Ecclésiaste, " vanité des vanités ". L’Ecclésiaste voulait montrer aussi qu’il y avait un certain vide dans l’existence humaine à cause des passions humaines. On n’est pas très loin, dans cette vanité de l’Ecclésiaste, de la vacuité du Sutra du Cœur.
Un autre sutra essentiel est le " Sutra du Lotus de la bonne Loi ", qui est vraiment le texte numéro un dans le Bouddhisme chinois et japonais, notamment dans l’école japonaise de Nichiren. Sa philosophie essentielle est que le Bouddha historique n’est pas le plus important. Le plus important, c’est que le Bouddha est un être transcendant. Là, on perçoit un peu le Bouddha comme une divinité, comme un être surnaturel, alors que, dans le Bouddhisme primitif, il était un homme, un homme exceptionnel, mais un homme quand même.

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Sutra du Lotus de la bonne loi

D’après ce " Sutra du Lotus de la bonne Loi ", il y a un salut universel proposé aux humains par la Foi. Il faut croire. La Foi sauve. En cela, ce " Sutra du Lotus " ressemble un peu au Protestantisme Chrétien. Ce " Sutra du Lotus " met aussi beaucoup l’accent sur l’importance du bodhisattva de la Miséricorde, Avalokiteshvara, dont le Dalaï Lama est une réincarnation (en chinois " guanin ", en japonais " Canon ", comme l’appareil photo). Ce bodhisattva de la Miséricorde aide énormément les êtres humains à trouver le chemin de ce salut universel.

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Le Dalaï Lama

Troisième école du Bouddhisme, le Vajrayana, " véhicule de diamant " qu’on retrouve essentiellement dans le Bouddhisme himalayen. Justement le canon tibétain comporte environ 200.000 pages en 322 volumes. Il replace le Vinaya, la discipline monastique, en tête. Ce n’est probablement pas un hasard car le Bouddhisme himalayen est une synthèse des deux Bouddhismes précédents, et il emprunte au Bouddhisme primitif son extrême importance de l’institution monastique. Au Tibet, jusqu’en 1950, il y avait environ 500.000 moines, un homme sur trois était au monastère. Ceci pose évidemment d’immenses problèmes de discipline. Il y avait eu beaucoup de conflits armés entre les monastères avec des moines policiers.

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Moines tibétains

Le Vinaya est donc remis en tête. 
Ensuite figurent tous les sutras, c’est-à-dire tous les discours du Bouddha regroupés dans une partie du canon, le " Kangyur " et puis, et c’est l’originalité du Bouddhisme tibétain, figurent un certain nombre de " tantras ", c’est-à-dire de traités. Ces traités concernent à la fois la médecine, l’astrologie, la chimie, la grammaire. 
Tous ces traités forment ce qu’on appelle le " Tengyour ".
Il est évident que la notion même d’écriture sacrée est ici très particulière. On peut dire que tout, ou presque, ce qui est écrit est sacré. C’est probablement ce qui rend ce Bouddhisme tibétain si mystérieux, si attachant, si séduisant et aussi si dangereux. Car si tout ce qui est écrit est sacré, il devient figé, il est interdit d’y toucher.
Essayons de transposer ceci dans nos sociétés. Imaginons un traité de médecine en 1850. Pouchet proclamait qu’il y avait une impossibilité de changer quoi que ce soit à des règles qui étaient de véritables théorèmes, comme celui de la " génération spontanée ". Si on avait sacralisé les écrits de Pouchet, on n’aurait jamais eu Pasteur qui a démontré que ce que disait Pouchet était faux.
De même, si Aristote et Ptolémée avaient écrit des textes sacrés, on n’aurait jamais eu Galilée ni Copernic qui les ont contredits. Ceci explique le côté à la fois fascinant de ces écritures tibétaines, et aussi dérangeant dans une société restée très longtemps moyenâgeuse.

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LES ÈCRITURES HINDOUISTES

Lorsque le Jina et le Bouddha ont fait leur révolution, ils ont eu un succès assez important en Inde.
Progressivement, du nord vers le sud, de l’ouest vers l’est, l’Inde a été gagnée par le Jaïnisme et, surtout, par le Bouddhisme comme le prouve, par exemple, les grottes d’Ajanta et d’Ellora dans la région de Bombay, et les monastères bouddhiques de la vallée de la Swat au Pakistan, c’est-à-dire très à l’ouest du sous continent Indien.
D’une certaine manière, la vieille religion brahmanique des prêtres, la religion Védique, semblait promise au déclin. Or, il s’est produit une réaction brahmanique qui, jointe à l’irruption de l’Islam en Inde, va progressivement chasser le Bouddhisme de l’Inde. Aujourd’hui, il ne représente plus que 0,5% de la population indienne.
Pour mener à bien cette réaction, les Brahmanes ont rénové leurs dieux, ils les ont humanisé. Ils leur ont donné un visage nouveau par rapport aux vieux dieux védiques de l’Atmosphère, du Ciel, de la Mer, etc.…
Se sont détachées la figure de Brahmâ, " Le grand concepteur ", qui est très peu vénéré avec un seul temple en Inde, mais surtout les figures de Shiva et de Vishnou. Brahmâ, Shiva, Vishnou forment la " Trimurti ", la triple forme d’une même essence divine.

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Les dieux Brahmâ, Vishnou et Shiva

Chacun de ces dieux à une " parèdre ", c’est-à-dire un équivalent féminin, qui est son énergie, puisqu’en Inde l’énergie est toujours féminine et jamais masculine.
La parède de Shiva est Parvati, la parède de Vishnou est Lakkmî.
Chaque dieu a sa déesse, il y a un couple divin, et ceci va rendre les dieux très populaires. On va en plus leur faire des statues bien visibles, comme les statues du Bouddha, ce qui va être une sorte de catéchisme en images. Et pour être certain qu’on identifie bien les dieux, étant donné qu’ils sont 33.000, on va donner un animal support à chacun de ces dieux. Par exemple, pour Vishnou, l’animal support va être l’oiseau Garuda, et pour Shiva, le taureau Nandi.
Quant aux textes, on va reprendre les anciens Vedas, toujours considérés comme sacrés et à la base du culte Brahmanique. Mais on va leur rajouter d’autres textes sacrés. On va puiser dans la mémoire populaire un certain nombre de récits, de contes, de légendes qu’on va progressivement mettre par écrit.
Deux grandes œuvres vont se dégager, deux épopées qui font penser à " L’Illiade " et à " L’Odyssée " des Grecs.
La première épopée, "Le grand combat ", c’est le " Mahabharata ", qui va décrire des guerres entre des dynasties ou entre des clans rivaux. 
Conflit entre le clan des Kauravas, les " méchants ", et les Pandavas, les " bons ". C’est un peu comme les cow-boys et les indiens mais, en même temps, au-delà de cette personnalisation du combat, il y a une lutte du Bien contre le Mal. Cette épopée n’est donc pas seulement héroïque, elle est aussi éthique.

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Mahabharata

Au milieu de ce texte du Mahabharata va apparaître la Bhagavad Gita, le "Chant des Bienheureux ". C’est une sorte de dialogue entre un guerrier, Arjuna, qui parle à Krishnasur le champ de bataille. Pourquoi un champ de bataille ? Parce que la lutte entre le Bien et le Mal est une véritable guerre. Arjuna parle donc à Krishna, qui est lui-même le huitième avatar du dieu Vishnou.
Voilà en gros ce qu’est ce Mahabharata dont vous avez pu voir certaines représentations en Europe et qui a beaucoup marqué l’art indien. On voit des fresques du Mahabharata dans de nombreux temples, et également au Cambodge, à Angkor. Tout le sud-est asiatique a donc été marqué par cette épopée du Mahabharata.
La deuxième épopée est celle du Ramayana, " Le voyage de Rama ". Rama est un prince, qui une sorte d’avatar de Vishnou. Rama a une épouse, Sita, qui est enlevée par le démon Ravana. Rama sera aidé par Hanuman, chef de l’armée des singes.

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Ramayana

Cette épopée du Ramayana est très populaire dans toute l’Asie. Elle a donné lieu à d’innombrables représentations théâtrales, jusque dans l’île de Bali. Elle symbolise un combat mais, au-delà de l’épopée militaire, il y aussi l’histoire d’amour entre un homme et une femme qui sont en proie à des démons, des méchants.
D’une certaine manière, le cinéma indien d’aujourd’hui, très, très sentimental, reprend sous une forme ou sous une autre le thème des deux amoureux en butte à des ennemis.
Pour le lecteur du Ramayana, tout pêché est lavé par l’amour. L’amour est plus fort que tout.
Ces épopées, écrites après l’arrivée du Bouddhisme en Inde, ont eu un succès énorme, on participé à la reconquête de l’Inde par l’Hindouisme.
Il y a naturellement d’autres textes divers, d’autres sutras qui ont été ajoutés par la suite. Il faut faire attention car certains sutras ne sont pas sacrés, comme le " Kama-Sutra " qui est un livre profane.
Cependant, si on ajoute le Mahabharata avec la Bhagavad Gita, le Ramayana, les Vedas, on a l’essentiel de ce qui fait le canon sacré de l'Hindouisme.
Je voudrais maintenant en arriver à une conclusion, et une conclusion que je ferai sur le monde des écritures sacrées indiennes, en prenant l’exemple du Sikhisme.
Les Sikhs forment une religion née à la fin du 16ème siècle, et qui estune sorte de synthèse entre l’Islam et l’Hindouisme.
Comme les Musulmans, les Sikhs pensent qu’il y a un seul dieu. Comme les Indous, ils pensent qu’il y a une réincarnation.

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Sikh

Le livre sacré des Sikhs est l’Adi Granth Sahib, littéralement " Le Seigneur Maître Livre ". Il a été compilé par le cinquième gourou vers 1604, et écrit en penjâbi, qui est un dialecte du Pendjab indo-européen. Ce qui est très intéressant c’est que ce livre de l’Adi Granth Sahib comprend, en principe, un nombre fixe de pages : 1430 pages. Pourquoi ? Parce que c’est un moyen d’empêcher qu’il y ait des oublis ou des ajouts dans le texte sacré.
D’autre part, certains de ces textes de l’Adi Granth Sahib sont des poèmes écrits par des Musulmans, par des Indous, mais repris à leur compte par les Sikhs qui veulent montrer qu’ils sont capables d’incorporer des traditions musulmanes et indoues.

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Sikhis

Ce livre de l’Adi Granth Sahib se trouve dans chaque temple sikh. C’est l’une des deux caractéristiques des temples sikhs. La première est la présence permanente de l’Adi Granth Sahib, et la deuxième, c’est les fameux réfectoires, les " langars ", les restos du cœur où on offre à manger aux pauvres.
Dans chaque temple, il y a ce livre qui est psalmodié, avec souvent un accompagnement musical genre accordéon, qui est lu ou chanté par des hommes ou par des femmes, car il y a une totale égalité entre l’homme et la femme pour les Sikhs.
Voilà donc un livre qui a une forme fixe, un nombre de pages, en principe, invariable, mais qui tend à incorporer des traditions extra sikhs pour bien montrer que le Sikhisme fait une œuvre de synthèse.

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Guru Nanâk


Cela correspond bien à la pensée du fondateur du Sikhisme, le Guru Nanâk pour qui le seul livre est l’âme et le seul temple est l’homme.

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