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Forum Universitaire                                                                           Gérard Raynal-Mony                                                                                                                                                                                          Séminaire11

Année 2015-2016

                                                                                                              Le 1er avril 2016

 

 

De la religion naturelle

a) Nous n'avons aucune notion adéquate de la divinité, nous nous traînons seulement de soupçons en soupçons, de vraisemblances en probabilités. Nous arrivons à un très petit nombre de certitudes. Il y a quelque chose, donc il y a quelque chose d'éternel, car rien ne s'est produit de rien. Voilà une vérité certaine sur laquelle votre esprit se repose. Tout ouvrage qui nous montre des moyens et une fin annonce un ouvrier ; donc cet univers composé de ressorts, de moyens dont chacun a sa fin, découvre un ouvrier très puissant, très intelligent. Voilà une probabilité qui approche de la plus grande certitude ; mais cet artisan suprême est-il infini ? Est-il partout- ? Est-il en un lieu ? Comment répondre à cette question avec notre intelligence bornée et nos faibles connaissances ?

Ma seule raison me prouve un être qui a arrangé la matière de ce monde ; mais ma raison est impuissante à me prouver qu'il ait fait cette matière, qu'il l'ait tirée du néant. Tous les sages de l'Antiquité sans exception ont cru la matière éternelle et subsistant par elle-même. Tout ce que je puis faire sans le secours d'une lumière supérieure, c'est donc de croire que le dieu de ce monde est aussi éternel et subsistant par lui-même.

Voltaire, Dictionnaire philosophique (1764/1767) ; art. « Dieu, dieux », éd. Moland, t. XVIII, p. 358

b) Théisme. - Le théisme est le bon sens qui n'est pas encore instruit de la révélation et les autres religions sont le bon sens perverti par la superstition.

Théiste. - Le théiste est un homme fermement persuadé de l'existence d'un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus, végétants, sentants et réfléchissants ; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses. […] Réuni dans ce principe avec le reste de l'univers, il n'embrasse aucune des sectes, qui toutes se contredisent. Sa religion est la plus ancienne et la plus étendue, car l’adoration simple d'un Dieu a précédé tous les systèmes du monde. Il parle une langue que tous les peuples entendent, pendant qu'ils ne s'entendent pas entre eux. Il a des frères depuis Pékin jusqu'à la Cayenne, et il compte tous les sages pour ses frères. Il croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d'une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l'adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine.

Voltaire, Dictionnaire philosophique ; art. « Théiste » (suppl. 1765)

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c) Bien que la stupidité d'hommes barbares et sans instruction soit si forte qu'ils puissent ne pas voir un auteur souverain dans les ouvrages les plus manifestes de la nature dont ils sont si familiers, il ne semble guère possible qu'un homme d'entendement sain puisse rejeter cette idée, une fois qu'on la lui a suggérée. Un projet, une intention, un dessein est évident en toute chose. Et quand notre compréhension s'élargit au point de contempler l'origine première de ce système visible, nous devons adopter, avec la conviction la plus forte, l'idée d'une cause ou d'un auteur intelligent. En outre, l'uniformité des règles qui valent pour l'ensemble de la structure de l'univers nous conduit naturellement, sinon nécessairement, à concevoir cette intelligence comme simple et indivise quand les préjugés de l'éducation ne s'opposent pas à une théorie si raisonnable. Même les contrariétés de la nature, quand elles se découvrent partout, deviennent des preuves d'un plan cohérent et confirment un projet ou une intention unique, quoique inexplicable et incompréhensible.

Hume, Histoire naturelle de la religion (1757) ; trad. M. Malherbe, Vrin, 1971

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d) Vous ne voyez dans mon exposé que la religion naturelle ; il est bien étrange qu'il en faille une autre ! Par où connaîtrai-je cette nécessité ? De quoi puis-je être coupable en servant Dieu selon les lumières qu'il donne à mon esprit et selon les sentiments qu'il inspire à mon cœur ? Quelle pureté de morale, quel dogme utile à l'homme et honorable à son auteur puis-je tirer d'une doctrine positive que je ne puisse tirer sans elle du bon usage de mes facultés ? Montrez-moi ce qu'on peut ajouter, pour la gloire de Dieu, pour le bien de la société, pour mon propre avantage, aux devoirs de la loi naturelle, et quelle vertu vous ferez naître d'un nouveau culte, qui ne soit pas une conséquence du mien ? Les plus grandes idées de la divinité nous viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure. Dieu n'a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu'est-ce que les hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu en lui donnant des passions humaines.

Rousseau, Émile, Profession de foi du vicaire savoyard (1762) ; Pléiade, t. IV, p. 607.5