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Forum Universitaire                                                         Jacqueline Maroy                            Année   2016-2017

Textes du Séminaire 11                                                                                                         Le 26 avril 2017

Texte 1 : Yourcenar  Alexis  Folio  page 29

Mon enfance fut silencieuse et solitaire ; elle m’a rendu timide, et par conséquent taciturne. Quand je pense que je vous connais depuis prés de trois ans et que j’ose vous parler pour la première fois ! Encore n’est ce que par lettre, et parce qu’il le faut bien. Il est terrible que le silence puisse être une faute ; c’est la plus grave de mes fautes, mais enfin, je l’ai commise. Avant de la commettre envers vous, je l’ai commise envers moi-même. Lorsque le silence s’est établi dans une maison, l’en faire sortir est difficile… Woroïno était plein d’un silence qui paraissait toujours plus grand, et tout silence n’est fait que de paroles qu’on n’a pas dites. C’est pour cela peut être que je devins un musicien. Il fallait quelqu’un pour exprimer ce silence, lui faire rendre tout ce qu’il contenait de tristesse, pour ainsi dire le faire chanter… Il fallait une musique d’une espèce particulière, lente, pleine de longues réticences et finissant par s’y glisser. Cette musique, c’a  été la mienne.

Texte 2 : Yourcenar  Alexis  Folio  page 81

Le silence ne compense pas seulement l’impuissance des paroles humaines, il compense aussi, pour les musiciens médiocres, la pauvreté des accords. Il m’a toujours semblé que la musique ne devrait être que du silence, et le mystère du silence, qui chercherait à s’exprimer. Voyez par exemple, une fontaine. L’eau muette emplit les conduits, s’y amasse, en déborde, et la perle qui tombe est sonore. Il m’a toujours semblé que la musique ne devrait être que le trop-plein d’un grand silence.

Texte 3 : Rainer Maria Rilke Lettres à un jeune poète le Seuil page 92

26 décembre 1908

Le silence , où de pareils bruits et mouvements trouvent leur espace, doit être immense, et si l’on pense qu’à tout cela la présence de la mer au loin vient s’ajouter dans sa sonorité particulière, peut-être le son le plus intérieur de cette harmonie préhistorique, on ne peut que vous souhaiter de laisser travailler en vous, avec confiance et patience, cette grandiose solitude qui ne pourra plus être retranchée de votre vie ; qui dans tout ce que vous vivrez et ferez à l’avenir continuera d’agir, influence anonyme, silencieuse et déterminante, un peu comme le sang de nos ancêtres circule sans cesse en nous et se mêle au nôtre pour composer cet être unique et non répétable que nous sommes à chaque tournant de notre vie.

Texte 4 : Yourcenar  Alexis Folio  page 103

… Ce don, si simple, de vous-même … il me semble que ce fut un don maternel. J’ai vu plus tard votre enfant se blottir contre vous, et j’ai pensé que tout homme, sans le savoir, cherche surtout dans la femme le souvenir du temps ou sa mère l’accueillait. du moins, cela est vrai, quand il s’agit de moi. Je me souviens, avec une infinie pitié, de vos efforts un peu inquiets pour me rassurer, me consoler, m’égayer peut-être ; et je crois presque avoir été moi-même votre premier enfant.

Texte 5 : Stendhal Armance Garnier Flammarion page 192

Après avoir signé son testament en présence de tout l’équipage, Octave tomba dans une grande faiblesse et demanda les prières des agonisants, que quelques matelots italiens récitèrent auprès de lui. Il écrivit à Armance, et mit dans sa lettre celle qu’il avait eu le courage de lui écrire dans un café de Paris, et la lettre à son amie Méry de Tersan qu’il avait surprise dans la caisse de l’oranger. Jamais Octave n’avait été sous le charme de l’amour le plus tendre comme dans ce moment suprême. Excepté le genre de sa mort, il s’accorda le bonheur de tout dire à son Armance. Octave continua à languir pendant plus d’une semaine, chaque jour il se donnait le nouveau plaisir d’écrire à son amie. Il confia ses lettres à plusieurs matelots, qui lui promirent de les remettre eux-mêmes à son notaire à Marseille.

Un mousse du haut de la vigie cria : Terre ! C’était le sol de la Grèce et les montagnes de la Morée que l’on apercevait à l’horizon. Un vent frais portait le vaisseau avec rapidité. Le nom de la Grèce réveilla le courage d’Octave : Je te salue, se dit-il, ô terre des héros ! Et à minuit, le 3 de mars, comme la lune se levait derrière le mont Kalos, un mélange d’opium et de digitale préparé par lui délivra doucement Octave de cette vie qui avait été pour lui si agitée. Au point du jour, on le trouva sans mouvement sur le pont, couché sur quelques cordages. Le sourire était sur ses lèvres, et sa rare beauté frappa jusqu’aux matelots chargés de l’ensevelir. Le genre de sa mort ne fut soupçonné en France que de la seule Armance. Peu après, le marquis de Malivert étant mort, Armance et madame de Malivert prirent le voile dans le même couvent.

« Animula vagula, blandula,

Hospes comesque corporis,

Quae nunc abibis in loca

Pallidula , rigida, nudula,

Nec, ut soles, dabis jocos … »

Hadrianus Imp.